La question corse a fait brutalement irruption dans la campagne présidentielle avec la flambée de violences dans l’Ile de Beauté à la suite de la tentative d’assassinat en prison d’Yvan Colonna, condamné pour l’assassinat du préfet Erignac.
En raison d’une actualité écrasée par la crise ukrainienne, les oppositions et les rivaux d’Emmanuel Macron dans la course à l’Elysée ont tardé à rebondir sur la situation corse mais les critiques commencent à abonder.
“On ne laisse pas pourrir une situation pendant une semaine”, tance Anne Hidalgo.
Le député LFI Eric Coquerel met lui en garde contre les fausses promesses à propos du “cycle sans précédent de discussions” promis par Gérald Darmanin: “à quatre semaines d’un premier tour, ce ne peut être que des engagements fermes, sinon c’est de la démagogie”, dit l’insoumis.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a hérité du dossier “Corse” après le départ de Jacqueline Gourault du gouvernement, doit en effet se rendre sur l’île mercredi pour une visite de deux jours.
Sa mission? Ramener l’ordre public mais aussi renouer le dialogue avec les élus locaux, avec en toile de fond l’évolution du statut institutionnel de la Corse. Un sujet explosif.
«Etincelle allumée»
Depuis la violente agression par un co-détenu radicalisé le 2 mars d’Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998 et incarcéré à la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône), les manifestations violentes se sont succédées avec en point d’orgue celle de dimanche à Bastia, faisant 67 blessés dont 44 membres des forces de l’ordre.
Pour le politologue Jérôme Fourquet, le sujet peut toutefois difficilement prétendre à une place de choix dans la campagne présidentielle, compte tenu du contexte international.
“Si l’actualité continue d’être polarisée sur l’Ukraine, les Corses auront du mal à passer le mur du son, même avec ce degré de mobilisation”, commente-t-il auprès de l’AFP.
Pour apaiser les protestations, le Premier ministre Jean Castex a déjà levé vendredi le statut de “détenu particulièrement signalé” (DPS) d’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, deux autres membres du “commando Erignac” détenus sur le continent.
“Une fois que l’étincelle est allumée, on peut avoir du mal à l’éteindre”, alerte François Kraus, directeur du pôle politique à l’Ifop. Selon lui, la situation pourrait s’envenimer si “le gouvernement ne cède pas aussi sur l’institutionnel”.
Pour la candidate LR Valérie Pécresse, le gouvernement a “joué la montre sur le retour des prisonniers corses”.
Marine Le Pen en faveur du rapprochement des détenus en Corse, a renvoyé le drame survenu à la prison d’Arles et ses conséquences sur le dos de l’exécutif en dénonçant les conditions de détention “absolument inouïes, de nonchalance, de laxisme” d’Yvan Colonna et “la responsabilité du ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti” dans les violences.
La candidate RN envisage de se rendre sur l’Ile de Beauté d’ici fin mars.
Plus globalement, Eric Zemmour estime que le nationalisme corse est “le symptôme d’une France qui n’est plus à la hauteur des attentes”, pointant une fois encore comme cause “l’immigration de masse”.
Au-delà des vieilles revendications nationalistes, cette crise est aussi “identitaire” et témoigne d’une “très forte sensibilité des Corses à la question de l’immigration”, estime Jérôme Fourquet.
Selon François Kraus, la colère actuelle pourrait engendrer des “votes contestataires” à l’élection d’avril, en faveur de candidats ruralistes comme Jean Lassalle, ou de l’extrême droite, radicale sur la question de l’immigration.
La question corse, qui concerne plus de 300 000 insulaires, aura cependant un poids “limité” dans cette présidentielle, nuance M. Kraus.
En 2017, les Corses avaient placé Marine Le Pen en tête du premier tour, avant de choisir Emmanuel Macron à 51,48% au second tour de la présidentielle.