Afghanistan – Une délégation des talibans afghans s’est entretenue en Chine avec de hauts responsables de la diplomatie chinoise, sur fond d’inquiétude croissante des voisins de l’Afghanistan sur la progression-éclair des insurgés à travers le pays.
Arrivée mardi en Chine, cette délégation de haut niveau, forte de neuf membres, est menée par le n°2 des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, l’un des cofondateurs du mouvement et chef de son “bureau politique”, la représentation des talibans à Doha, a indiqué mercredi à l’AFP un porte-parole des insurgés.
Les talibans “ont assuré à la Chine que le sol afghan ne serait pas utilisé contre la sécurité de quelque pays que ce soit”, a déclaré Mohammad Naeem, lui-même membre de la délégation, dans un message à l’AFP à Kaboul. Les responsables chinois “ont promis de ne pas interférer dans les affaires afghanes, mais au contraire d’aider à résoudre les problèmes et amener la paix”, a-t-il ajouté, sans préciser où en Chine s’étaient déroulées les rencontres.
Durant cette visite de deux jours, la délégation talibane a eu “des rencontres séparées avec le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, le vice-ministre des Affaires étrangères (Wu Jianghao) et le représentant spécial chinois pour l’Afghanistan (Yue Xiaoyong)”, a-t-il précisé.
La conquête-éclair par les talibans de vastes pans du territoire afghan en moins de trois mois, lors d’une offensive tous azimuts, inquiète tout particulièrement les voisins de l’Afghanistan, alors que le retrait définitif des forces internationales, présentes depuis 20 ans dans le pays, est désormais quasiment achevé.
Les talibans se sont notamment emparés de zones de la province du Badakhshan, à l’extrême Nord-Est du pays, frontalière de la Chine, une région où il n’avaient jamais pris pied auparavant, même lorsque leur régime dirigeait l’Afghanistan.
«Invasion sans précédent»
L’Afghanistan et la Chine ne partagent que 76 km de frontière, située à haute altitude dans une zone accidentée, sans point de passage routier.
Mais de l’autre côté se trouve la région chinoise du Xinjiang, à majorité musulmane, et Pékin redoute la menace que pourrait y faire peser un chaos en Afghanistan. Ou une alliance entre islamistes afghans et séparatistes ouïghours, peuple musulman du Xinjiang que les autorités chinoises sont accusées de réprimer et dont un million de membres auraient été placés dans des camps de rééducation.
Une délégation talibane avait déjà été reçue en septembre 2019 en Chine, également soucieuse de sécuriser ses projets économiques – miniers ou de “Nouvelles routes de la soie” – avec l’Afghanistan. Pékin a récemment qualifié “d’irresponsable” le retrait américain du pays.
Parallèlement, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, menait mercredi une visite en Inde, fidèle soutien du gouvernement afghan, qui redoute qu’un retour au pouvoir des talibans n’offre un refuge à des groupes opposés à New Delhi.
Les forces afghanes, qui n’ont offert jusqu’ici qu’une faible résistance, ne contrôlent plus pour l’essentiel, outre Kaboul, que les capitales provinciales et les principaux grands axes, faisant redouter un retour au pouvoir des talibans.
Le régime taliban (1996-2001), basé sur une interprétation ultrarigoriste des règles islamiques, a été renversé il y a quasi-exactement 20 ans par une coalition internationale menée par les États-Unis, après son refus de livrer le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, dans la foulée des attentats du 11-Septembre.
Des pourparlers de paix entre les talibans et les autorités afghanes, ouverts en septembre à Doha, n’ont connu jusqu’ici aucune avancée. Les talibans ont été récemment reçus en Iran, autre voisin de l’Afghanistan, et en Russie, acteur-clé dans la région. Ils multiplient les gages envers la communauté internationale en vue de leur éventuel retour au pouvoir.
Mercredi, le président afghan, Ashraf Ghani, a affirmé que l’Afghanistan faisait face “une invasion sans précédent (…) en terme d’échelle, d’étendue et de timing”. “Il ne s’agit plus des talibans du XXe siècle, mais de la manifestation des liens entre des réseaux terroristes transnationaux et des organisations criminelles transnationales” a souligné le chef de l’État, appelant “la communauté internationale à réexaminer le discours des talibans sur leur volonté de soutenir une solution politique” en Afghanistan.