Covid-19: Bras de fer entre Bruxelles et Londres autour des vaccins – Après un divorce houleux et de longs mois d’âpres négociations pour fixer les modalités de leur relation post-Brexit, l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni voient le spectre des tensions resurgir sur fonds de bras de fer autour des vaccins contre le coronavirus.
Au cœur du différend entre Européens et Britanniques, le groupe pharmaceutique suédo-britannique AstraZeneca, dont les retards de livraison des vaccins sont jugés “inacceptables” par Bruxelles.
Alors qu’initialement, il avait promis à l’Union européenne jusqu’à 360 millions de doses à la mi-2021, AstraZeneca a fait savoir qu’il n’en livrerait que 100 millions.
Consternée par les engagements non honorés du laboratoire suédo-britannique, l’UE a durci le ton sur les exportations des vaccins, alors que la pandémie flambe à nouveau dans plusieurs États membres et que les campagnes de vaccination tournent toujours au ralenti.
L’Union européenne a ainsi décidé de renforcer le contrôle des exportations des vaccins anti-Covid produits sur son sol vers des pays tiers. Elle pointe en particulier le Royaume-Uni, lui reprochant ne pas respecter le principe de réciprocité en termes d’exportation.
Depuis le 1er décembre 2020, 21 millions de doses de vaccins ont été exportés par l’UE à destination du Royaume-Uni sur un total de 77 millions de doses exportés à des pays tiers. En contrepartie, le Royaume-Uni, qui reste le premier destinataire des doses exportées par l’UE, n’a fourni aucune dose de vaccin à ses voisins de l’autre côté de la Manche.
Arguant que le contrat conclu avec AstraZeneca stipule que les usines britanniques fabriquant le vaccin doivent approvisionner le marché européen, Bruxelles a dit envisager d’interdire les exportations de vaccins au Royaume-Uni.
Mercredi dernier, la Commission européenne a renforcé son mécanisme de contrôle d’exportation des vaccins mis en place le 1er février pour “résoudre les déséquilibres” et pour “garantir” les approvisionnements des États membres.
En plus de servir à bloquer les exportations des laboratoires qui ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de l’UE, ce dispositif prévoit désormais d’appliquer le principe de “réciprocité”.
Selon le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, la “proportionnalité” sera également le deuxième critère qui sera dorénavant pris en considération pour autoriser les exportations des vaccins en “examinant la situation épidémiologique du pays de destination, son taux de vaccination ou la disponibilité sur place de vaccins anti-Covid”.
Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE, réunis la semaine dernière pour un sommet virtuel, ont bel et bien souligné la nécessité de durcir les conditions pour l’exportation des vaccins, relevant “l’importance (…) du recours à des autorisations d’exportation”, cependant, ils demeurent divisés sur cette mesure.
Alors que l’Irlande a exprimé son opposition à tout “blocage” des exportations des vaccins, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ont fait part de leurs inquiétudes quant à de possibles mesures de rétorsion entravant l’approvisionnement des chaînes de production de vaccins.
Le Premier ministre suédois, Stefan Löfven, a quant à lui prévenu contre le risque d’une “guerre commerciale” autour de la production des vaccins, un processus largement internationalisé.
Le Royaume-Uni, qui est parmi les pays les plus avancés en matière de vaccination dans le monde avec près de la moitié de la population adulte ayant reçu une dose, se retrouve donc confronté à un sérieux problème qui peut mettre à mal sa stratégie vaccinale.
Ayant fait le choix d’allonger à douze semaines l’espacement entre les doses, le pays compte de plus en plus de personnes qui attendent de se faire injecter la deuxième dose du vaccin.
Alors que seulement 5,3% de la population adulte a reçu les deux doses nécessaires pour une immunité complète, Londres redoute que les soucis d’approvisionnement compromettent le bon déroulement de sa campagne de vaccination. Et les menaces de Bruxelles de bloquer les exportations n’arrangent pas arranger les choses.
Conscient des répercussions que pourrait avoir une telle décision, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, veut à tout prix éviter un blocage des livraisons vers son pays à court terme, d’autant plus que 12 millions de deuxièmes doses doivent être administrés en avril.
M. Johnson a par ailleurs mis en garde contre les “blocus arbitraires” des vaccins anti-Covid et leur impact à moyen terme. Selon lui, les entreprises pourraient commencer à s’interroger sur la pertinence “de réaliser de futurs investissements dans des pays où des blocus arbitraires sont imposés”.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé qu’il était temps de mettre fin à “la naïveté” de l’UE.
La bataille autour de l’exportation des vaccins risque d’être longue et rude avec l’individualisme comme maître-mot, au grand dam de tous ceux qui prônent la coopération internationale pour en finir avec cette crise sanitaire mondiale sans précédent.