Le Maroc a fait le large choix de l’ouverture du secteur de la santé aux compétences étrangères et à l’investissement étranger. La nouvelle est passée presqu’inaperçue et avait été faite par le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, Mohamed Benchaaboun, lors de son allocution devant le Souverain dans le cadre du lancement justement de la généralisation du système de la couverture sociale, le mercredi 14 avril 2021, au Palais royal de Fès.
Un chantier prioritaire pour Rabat qui constitue en même temps un véritable changement de paradigme sociétal, tendant à repenser la protection sociale afin, de la généraliser à tous les Marocains à l’horizon 2025. L’enjeu est de taille. 22 millions de citoyens marocains devraient être assurés contre la maladie (frais de médicaments et d’hospitalisation), au cours des années 2021 et 2022, selon la nouvelle stratégie de protection sociale.
Mais pour arriver à ces fins et au-delà, d’une infrastructure qui bon an mal an, se met en place (le Royaume compte 5 Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) opérationnels et 3 autres en cours de construction, aux travaux presque achevés), cela devait également nécessiter des ressources humaines médicales pour le Royaume qui fait face à un déficit de praticiens pour assurer le succès de ce grandiose chantier, encore à l’état de projet, quoiqu’avancé. Si toutefois, le manque de ressources humaines reste substantiel, pour autant l’ouverture à un encadrement médical et les défis y afférents à relever devraient être maîtrisés en ces circonstances, notamment ceux qui concernent le faible taux d’encadrement médical, le manque de ressources humaines et la répartition géographique inégale.
Pour pallier cela, le Royaume a donc décidé de s’ouvrir sur les compétences étrangères, et leur permettre de rejoindre son corps médical. Mais, il a également opté pour un renforcement des capacités médicales nationales, la réalisation de cette réforme restant tributaire de la lutte contre le déficit en matière de cadres sanitaires. En chiffres, le Maroc qui compte 36 millions d’habitants a besoin aujourd’hui de 35 000 médecins et 57 000 infirmiers, soit près de 100 000 compétences additionnelles. Le pays compte près de 25 000 médecins répartis dans les grandes agglomérations, pour la plupart dans les deux régions Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra, c’est dire si c’est mal réparti, sachant en cela que plus de la moitié exercent dans le privé.
Ceci, alors que les standards fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont de l’ordre d’un peu plus d’une vingtaine de médecins pour 100 000 habitants or le Royaume n’en compte pas plus de sept. Le Maroc ne forme pas plus de 2 300 (chiffre de 2018) médecins chaque année au meilleur des cas. Ce qui est bien loin, des objectifs tracés qui s’établissent annuellement à 1000 de plus. Pire, nombre de médecins du cru, formés au Maroc, prennent la poudre d’escampette avec la ferme intention d’exercer sous d’autres cieux. Et pour cause, de meilleures conditions de travail et de vie tout court leur sont offertes. Rien qu’en France ils sont près de 8 000 médecins marocains. Selon le Conseil national de l’Ordre des médecins français, les Marocains représentent la deuxième communauté de médecins nés à l’étranger. Les pays du Golf attirent également nos blouses blanches.
Au Maroc, dans le secteur de la santé, à priori, cette migration de médecins étrangers vers notre pays est plutôt vue du bon œil. Sauf, que d’aucuns soulignent la nécessité d’améliorer les conditions des agents de santé nationaux dans toutes leurs composantes dans une première phase du déroulement du chantier, mais surtout, mettre à disposition une infrastructure qui puisse attirer les compétences internationales dans une seconde phase. In fine, on trouverait plus de cohérence et d’ambition à ce plan de généralisation de la protection sociale, dès lors qu’il allierait à la fois, des mesures de transformation interne à travers une mobilisation massive des ressources de l’Etat, mais, également une forte ouverture sur l’extérieur et la mise en place de partenariats publics-privés en toute conformité avec les ambitions du Royaume.