Afghanistan – La France commence d’ici lundi soir à évacuer ses derniers ressortissants d’Afghanistan, passé sous contrôle des talibans, alors qu’Emmanuel Macron doit s’exprimer à 20H00 pour détailler sa stratégie face à cette crise qui inquiète fortement la communauté internationale.
Depuis le fort de Brégançon, à Bormes-les-Mimosas (Var), où il est en vacances, Emmanuel Macron suit l’évolution de la crise “heure par heure”, selon l’Elysée. Avant de s’exprimer à 20h00 à la télévision, le chef de l’Etat fera le point à midi au cours d’un Conseil de défense en visioconférence avec les principaux responsables concernés, comme les ministres des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et des Armées Florence Parly.
Apagan est le nom donné à l’opération militaire d’évacuation française, qui mobilise notamment deux avions de transport de l’Armée de l’Air, un C130 et un A400M, qui ont décollé dimanche soir et lundi matin de France pour les Emirats.
C’est la base aérienne française d’Al Dhafra, à Abou Dhabi, qui accueillera les “plusieurs dizaines” de Français évacués de Kaboul, dont des diplomates, des humanitaires ou des journalistes, avant leur rapatriement jusqu’en France.
Il y aura aussi “des personnes qui sont nous notre protection”, a indiqué Florence Parly sur France Info. En expliquant que la priorité était d'”évacuer les personnels (afghans, ndlr) qui ont rendu d’éminents services à notre pays en nous aidant au quotidien, et par ailleurs faire le maximum pour mettre en protection des personnalités qui ont défendu les droits, les Droits de l’Homme, des journalistes, des artistes, tous ceux qui sont engagés pour ces valeurs que nous continuons de défendre partout dans le monde”.
Quelque 625 Afghans employés dans des organisations françaises sont déjà arrivés en France avec leur famille depuis le mois de mai, selon le gouvernement.
“La France a déjà donné plus de 1.000 visas. Il faudra en donner aux gens qui ont travaillé avec nous. Il ne faut surtout pas abandonner ces familles”, a souhaité lundi François Patriat, le patron des sénateurs LREM, sur Cnews.
Les opérations d’évacuation sont notamment gérées par les diplomates toujours présents à Kaboul, dont l’ambassadeur David Martinon, qui se sont délocalisés dimanche à l’aéroport quelques heures avant que les talibans n’entrent dans la capitale, désertée par le président Ashraf Ghani.
Sécurisé par les forces américaines, l’aéroport est devenu le seul point de fuite pour les étrangers mais aussi les Afghans.
Craintes migratoires
Au cours des dernières heures, Emmanuel Macron a été en contact avec des dirigeants de pays partenaires, tout comme Jean-Yves Le Drian qui s’est entretenu dimanche soir avec son homologue américain Antony Blinken.
L’un des objectifs de Paris est de définir une stratégie commune au niveau de l’Union européenne, alors que des divergences sont apparues ces derniers mois sur le dossier des expulsions de migrants afghans vers leur pays d’origine.
Cette question est sensible alors que les Afghans ont constitué en 2020 10,6% des demandeurs d’asile dans l’UE (un peu plus de 44.000 sur quelque 416.600 demandes), le deuxième contingent derrière les Syriens (15,2%), selon l’agence statistique de l’UE Eurostat.
A l’instar d’autres capitales, Paris a suspendu depuis juillet les expulsions de migrants afghans déboutés de leur demande d’asile.
Une nouvelle vague migratoire est crainte par de nombreux responsables politiques. Elle interviendra “d’abord dans les pays tout autour de l’Afghanistan” puis “dans le monde entier”, selon Jean Leonetti (LR) tandis que le numéro deux du RN, Jordan Bardella, a appelé à “un sursaut international pour protéger la France et l’Europe d’une déferlante migratoire sans précédent que nos dirigeants semblent encore prendre à la légère”.
“L’urgence nous impose d’agir”, a par ailleurs réagi Xavier Bertrand, président ex-LR des Hauts-de-France et candidat à l’élection présidentielle de 2022, en demandant à Emmanuel Macron “de prendre l’initiative de réunir nos partenaires européens et internationaux pour discuter des mesures régionales de sécurité et des conséquences de la crise afghane”.
A la vue des images de dimanche, plusieurs responsables établissent un parallèle entre la chute de Kaboul et celle de Saïgon en 1975, un souvenir douloureux pour les Etats-Unis et les pays occidentaux, qui relance le débat sur le bien-fondé des interventions militaires. “J’ai applaudi la défaite US au Vietnam. Je suis écœuré par leur déroute en Afghanistan. Il est temps de réfléchir avant de s’engager dans des guerres sans issue”, a commenté dimanche le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon.
Intervenant aux côtés des Américains, la France a été présente militairement en Afghanistan de 2001 à 2014 et a compté jusqu’à près de 4.000 soldats dans ce pays au plus fort de l’engagement de l’Otan, au prix de 89 morts et 700 blessés.