France – Le vaccin contre le covid-19 ne rejoindra pas la liste des vaccinations obligatoires. Les sénateurs n’ont pas adopté ce 13 octobre la proposition de loi déposée par les socialistes. Leur groupe s’est retrouvé isolé. Le gouvernement promet de poursuivre sur la voie de la pédagogie.
Nouveau revers pour les partisans d’une vaccination obligatoire contre le covid-19 en population générale, au même titre que les 11 vaccins imposés aux enfants nés à partir de 2018. Le Sénat n’a pas adopté la proposition de loi « instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 ». Le texte, déposé par les membres du groupe socialiste fin août, a été rejeté ce 13 octobre en séance publique, par 262 voix contre 64. Cette initiative parlementaire n’ira donc pas plus loin.
Seule la quasi-totalité du groupe socialiste, à l’origine du texte, a voté en faveur du texte, rejointe seulement par trois collègues du centre et de droite. Les autres groupes ont préféré le rejeter. 14 sénateurs, de diverses tendances, ont fait le choix de l’abstention. Le gouvernement, par la voix d’Adrien Taquet, a aussi manifesté son opposition. « Nous préférons convaincre que contraindre », a insisté le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des familles.
La semaine dernière, le texte n’avait déjà pas convaincu la commission des affaires sociales dans sa grande majorité. Dès le 24 juillet, les sénateurs socialistes ont tenté d’insérer cette disposition en amendant le projet de loi instaurant l’obligatoire vaccinale chez les soignants et le passe sanitaire. Il avait été rejeté par 262 voix contre 76.
« Un débat qui semble aujourd’hui daté »
Entre-temps, la couverture vaccinale du pays a poursuivi sa montée en charge, notamment depuis l’entrée en vigueur du passe sanitaire, un outil que le gouvernement souhaite pouvoir utiliser, si besoin, jusqu’au 31 juillet 2022. Un projet de loi a été présenté en ce sens ce mercredi. Or, les effets du passe sanitaire, qui a incité sans le dire les gens à aller dans les centres de vaccination, « s’essoufflent », selon Bernard Jomier. Le rapporteur, membre du groupe socialiste écologiste et républicain, a rappelé lors des débats introductifs sur l’obligation vaccinale qu’il restait encore « 9 millions de personnes à immuniser » contre le coronavirus. « La vérité des faits, c’est que les vaccins contre la covid-19 sont efficaces, comme peu de vaccins l’ont été, qu’ils sont sûrs, et qu’ils sont notre meilleure arme », a-t-il argumenté.
Pas plus qu’à la fin juillet, les socialistes n’ont été entendus sur les autres bancs sur la nécessité d’instaurer cette obligation qu’ils considèrent comme claire et égalitaire. Actuellement, seuls les soignants ont dû s’y conformer. Ils sont 99,4 % à l’avoir fait, selon le ministère de la Santé. Dans les autres groupes, beaucoup se sont interrogés sur la temporalité de l’obligation générale. « Elle relancerait un débat qui semble aujourd’hui daté », s’est inquiétée la sénatrice Véronique Guillotin (RDSE, groupe à majorité radicale). « Elle aura un effet totalement contre-productif et braquera davantage les plus réfractaires », a averti le sénateur LREM Martin Lévrier. Autre critique récurrente entendue dans les débats : comment s’assurer que l’obligation est bien remplie ? « Cela pourrait discréditer l’action publique », a mis en garde le sénateur LR Philippe Mouiller.
Ecologistes, communistes ou encore centristes ont insisté sur la nécessité des efforts pour « aller vers » les publics absents des centres de vaccination. « Il faut maintenant faire du cas par cas, trouver des moyens humains pour aller chercher les derniers, qui ne sont pas tous des antivax mais simplement des éloignés. Ce n’est pas une obligation générale qui y parviendra », a défendu Nadia Sollogoub (Union centriste). Adrien Taquet a d’ailleurs écorné son satisfecit sur la campagne française, qui a débouché sur « l’une des meilleures couvertures d’Europe ». 15 % des plus de 80 ans manquent encore à l’appel. C’est un niveau encore « inférieur » aux attentes, a-t-il concédé. Dans son rapport, Bernard Jomier dressait la comparaison amère avec l’Espagne, le Danemark ou l’Irlande, où 100 % de ce public a reçu ses doses. L’obligation vaccinale générale aurait le mérite, selon sa logique, de forcer l’Etat à assurer une obligation de moyens. Adrien Taquet a promis de poursuivre « les opérations d’aller-vers, en les affinant plus encore vers les publics les plus éloignés des systèmes de soin ».
Médecin comme d’autres orateurs, le sénateur LR Alain Milon a affirmé qu’être convaincu par le principe de la vaccination obligatoire « ne suffisait pas ». Il a notamment mis en avant les nombreux variants qui pourraient, un jour, mettre à mal ce type de loi. « Il semble plus judicieux d’aligner la vaccination contre ce Sars-CoV2 sur le modèle de la vaccination contre la grippe, pas obligatoire mais fortement conseillé pour les personnes vulnérables. » Le groupe LR a aussi convoqué la résolution adoptée en janvier par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Celle-ci demande aux Etats de « s’assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n’est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner ».
La commission des affaires sociales indignée par un argumentaire digne « des antivax »
Le débat, de bonne tenue, s’est tendu en fin de séance, lorsqu’un amendement de suppression des dispositions du texte a été présenté par Sylviane Noël (LR). Il était cosigné par six autres collègues. Ce n’est pas l’objectif de l’amendement en soi, qui a mis le feu aux poudres, une majorité très nette de l’hémicycle ne souhaitait pas de la vaccination obligation. C’est l’argumentation mise en avant dans l’objet de l’amendement qui a quasiment fait l’unanimité contre elle (338 sénateurs l’ont rejeté, contre 5 en sa faveur). L’exposé des motifs faisait notamment mention « de vaccins génétiques » ou encore de « mise sur le marché avec autorisation provisoire ».
Patrick Kanner, président du groupe socialiste, « croyait » que ces arguments « complètement délirants » étaient « réservés à M. Philippot ». « Nous ne sommes pas dans une expérimentation. Ils sont titulaires d’une autorisation de mise sur le marché, et une autorisation de mise sur le marché ne veut pas dire qu’il en est terminé de la surveillance et des processus de pharmacovigilance », a voulu clarifier Bernard Jomier, ajoutant que le régulateur américain (la FDA) avait définitivement approuvé le vaccin Pfizer-BioNtech.
Le groupe LR n’a pas été en reste. La présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche a déploré des « explications qui sont celles des antivax ». Alain Milon a fait part de sa « honte » face à des « propos complètement inadmissibles ». Comme la procédure l’impose, Adrien Taquet a également donné son avis sur l’amendement. « Je ne peux pas laisser passer dans cette assemblée le sous-entendu sur le caractère expérimental et non contrôlé de ces vaccins. » « Si on dit je ne peux pas laisser telle ou telle chose, alors, à ce moment-là, la démocratie n’a plus aucun sens », a répliqué Loïc Hervé, deuxième signataire de l’amendement.
Si les socialistes n’ont pas été soutenus politiquement dans leur proposition, leur droit d’initiative parlementaire a néanmoins été soutenu. La centriste Nadia Sollogoub a adressé une pensée à ses collègues PS, victimes d’un « déferlement de menaces intolérables ». La justice va d’ailleurs être saisie. « Nous ne légiférons ni à l’audiomètre, ni au sonomètre », a rappelé la sénatrice centriste.