Liban – Quelques minutes seulement après l’annonce du rejet par la cour de Cassation du recours présenté par les députés du mouvement Amal pour la récusation du juge Tareq Bitar chargé de l’enquête, des partisans du mouvement ont pris d’assaut quelques rues de Beyrouth pour exprimer leur mécontentement à l’égard de cette décision.
Bilan des échauffourées provoquées par les manifestations: 1 mort dans la localité de Tayyouné et 8 blessés, après des coups de feu tirés par les protestataires.
La Cour de cassation au Liban a rejeté jeudi des plaintes déposées par deux anciens ministres contre le juge chargé de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth, ce qui lui permet de reprendre ses investigations, a indiqué une source judiciaire.
Tareq Bitar avait été contraint mardi de suspendre son enquête dans l’attente du verdict de ce tribunal, provoquant la crise la plus grave au sein du gouvernement libanais depuis sa formation le mois dernier.
L’explosion survenue le 4 août 2020 et causée par le stockage sans mesures de précaution d’énormes quantités de nitrate d’ammonium a fait au moins 214 morts, plus de 6500 blessés et dévasté plusieurs quartiers de la capitale.
Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités refusent toute investigation internationale et sont accusées par les familles des victimes et des ONG de torpiller l’enquête locale.
Le Hezbollah pro-iranien et ses alliés exigent de dessaisir le juge d’instruction, l’accusant de politiser l’enquête, tandis que les responsables politiques refusent d’être interrogés par M. Bitar.
Mardi, M. Bitar a émis un mandat d’arrêt contre le député et ex-ministre des Finances Ali Hassan Khalil, membre du mouvement chiite Amal, allié du Hezbollah.
Mais il a été aussitôt contraint de suspendre son enquête après de nouvelles plaintes déposées par M. Khalil et un autre député et ex-ministre d’Amal, Ghazi Zaayter, qu’il souhaitait interroger.
L’affaire a failli faire imploser une réunion houleuse du gouvernement de Nagib Mikati, formé en septembre après un blocage politique de près d’un an, les ministres relevant du Hezbollah et d’Amal ayant demandé que le juge soit remplacé, ce à quoi ce sont opposés d’autres membres du cabinet.
Jeudi, la Cour de cassation a rejeté les nouvelles plaintes, a affirmé à l’AFP une source judiciaire, soulignant que la Cour “n’avait pas l’autorité pour étudier les demandes de destitution” du juge.
Dans le même temps, des partisans du Hezbollah et d’Amal se rassemblaient devant le palais de Justice pour une manifestation afin de demander le remplacement du juge Bitar, à l’endroit même où se regroupent régulièrement les proches des victimes de l’explosion pour demander que l’enquête aboutisse.
Depuis qu’il a été chargé de l’enquête, M. Bitar a convoqué l’ex-Premier ministre Hassan Diab et quatre ex-ministres en vue de leur inculpation. Ils ne se sont jamais présentés devant le juge, qui a également délivré un premier mandat d’arrêt resté sans exécution contre un ex-ministre des Transports.
Le juge Bitar avait repris la semaine dernière son travail après une première suspension de l’enquête. Certains craignent qu’il ne connaisse le même sort que son prédécesseur, Fadi Sawan, écarté en février après l’inculpation de hauts responsables.