Turquie – Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a annoncé lundi qu’une entreprise turque et une entreprise qatarie soumettraient conjointement pour approbation une proposition aux talibans visant à gérer cinq aéroports en Afghanistan «si les conditions sont favorables».
Une semaine chargée attend les délégations techniques alors qu’un groupe d’experts devrait d’abord se rendre à Doha, avant de se rendre en Afghanistan pour discuter des détails de l’exploitation de l’aéroport de Kaboul – un point clé pour acheminer l’aide humanitaire aux civils afghans – et de sa réouverture aux voyages internationaux.
Les spécialistes soulignent le fait que la participation de la Turquie et du Qatar à la gestion des aéroports aidera les talibans à maintenir leurs liens avec les acteurs internationaux et à échapper à l’isolement international, tandis qu’Ankara utilisera également sa carte afghane pour rétablir les liens avec Washington et prendre un point d’ancrage dans la géopolitique régionale.
En attendant, les délégations turque et qatarie, qui ont déjà signé un accord commun sur l’exploitation des aéroports en Afghanistan, feront des propositions communes aux talibans qui seront discutées mercredi.
La Turquie proposait initialement d’exploiter l’aéroport international Hamid Karzai de Kaboul avec une assistance technique et sécuritaire, alors que des questions restent sans réponse sur les raisons pour lesquelles le plan initial a changé, ainsi que sur les avantages de cette proposition pour la sécurité régionale et la canalisation de l’aide humanitaire.
Dimanche, Cavusoglu a rencontré le ministre taliban des Affaires étrangères par intérim, Amir Khan Muttaqi, en marge de la réunion de l’Organisation de la coopération islamique à Islamabad, pour discuter de la question de l’aéroport.
«Alors qu’ils ont réussi à s’emparer militairement de l’Afghanistan et que le processus de paix de Doha est mort, les talibans souhaitent maintenant accroître leur capacité de gouverner, tout en manquant de légitimité à la fois sur les plans interne et international», a affirmé à Arab News Zalmai Nishat, chercheur à l’Asia Centre de l’université du Sussex.
«Les talibans auraient demandé de rendre opérationnels ces aéroports dans l’ouest, le nord, le sud et le centre de l’Afghanistan. Le manque de capacité dans ces aéroports est un problème clé et la Turquie peut y répondre avec ses connaissances techniques indispensables», a-t-il ajouté.
Cependant, Nishat a insisté sur le fait que lors du nouveau cycle de négociations avec les talibans, la Turquie devrait concevoir sa propre politique afghane et utiliser sa stature et son prestige pour assurer une représentation démocratique de toutes les communautés ethniques et sectaires, ainsi que les factions politiques d’Afghanistan.
Avec son rôle de non-combattant dans le pays au fil des ans, la Turquie a établi des liens avec divers segments de la société afghane, et notamment les talibans.
Le gouvernement turc insiste pour inclure des personnalités turques issues de groupes minoritaires – comme les Turkmènes et les Ouzbeks – ainsi que des femmes, dans le nouveau gouvernement afghan.
«En aidant à gérer les aéroports, Ankara envisage de prendre un point d’ancrage en Afghanistan en vue d’aider le pays à atteindre ses objectifs plus larges dans la région», a déclaré à Arab News Galip Dalay, chercheur au German Institute for Security and policy affairs.
«Toutes les puissances régionales ont déjà joué un rôle en Afghanistan et le seul rôle que la Turquie puisse occuper actuellement c’est l’établissement d’une véritable influence au niveau de la gestion des aéroports», a-t-il ajouté.
Cependant, pour Dalay, Ankara est susceptible d’apporter à la table des négociations le rôle «sécuritaire» qu’elle veut assumer dans les aéroports d’Afghanistan.
«Le Qatar est disposé à partager ces responsabilités avec la Turquie sur cette question car il n’a pas les compétences nécessaires pour gérer la sécurité des aéroports», a-t-il précisé.
Dalay a également indiqué que les talibans et Ankara trouveraient un terrain d’entente pour le rôle sécuritaire dans les aéroports sans être limités aux rôles techniques ou civils.
«Les talibans se trouvent actuellement dans un isolement économique et politique sur la scène internationale, et ils seront ouverts à toute offre pour le briser. À ce stade, un entrepreneur privé turc peut assumer le rôle sécuritaire dans les aéroports, la Turquie gagnant ainsi en influence dans ses relations vis-à-vis de l’administration Biden et de l’UE avec cette nouvelle responsabilité, du fait qu’elle ouvrira des canaux d’aide humanitaire au pays et aidera à gérer les flux migratoires vers l’Europe», a-t-il affirmé.
Lundi, Cavusoglu a déclaré qu’une société turque et une société qatarie avaient signé un protocole d’accord pour la gestion de cinq aéroports en Afghanistan, dont l’aéroport Hamid Karzai, sans spécifier le nom des quatre autres.