La mollesse avec laquelle la France s’oppose au voile islamique alimente la lame de fond qui bouleverse la société. Ses responsables politiques devraient regarder l’histoire récente de l’Algérie pour oser réagir, tant qu’il est encore temps.
Voilà deux longues années que je suis bloqué en Algérie par l’épidémie du coronavirus et les restrictions sévères qu’elle a imposées à la circulation des personnes. Ainsi éloigné de ce pays que j’ai toujours aimé observer du plus près que je pouvais, parce qu’emblématique de tant de choses, je me suis peu à peu convaincu que la question du voile dans ce pays ami était réglée, que le combat était fini, perdu par les uns, gagné par les autres mais peut-être, me disais-je aussi, était-il seulement dans une de ses phases de reflux avant tempête, que l’impérialisme islamiste pratique avec un art fin, appelé l’étranglement intermittent : serrer, lâcher… serrer, lâcher… serrer, lâcher… Il n’y a rien de plus efficace pour briser une société. Accrochée ainsi par le cou, elle ne pense plus qu’à respirer et de la sorte la vie n’est plus pour elle qu’une façon de survivre en attendant la fin… ou le miracle. On ne se regarde pas respirer sans courir le risque de ne plus savoir le faire.
Et en même temps… la banalisation
Il me revient en mémoire les débats intenses que la question avait soulevés en 1989 (il y a un tiers de siècle !) avec l’affaire du collège de Creil, en 2003 autour des auditions et des conclusions de la commission Stasi, et depuis, de temps à autre, en réaction à ce que l’actualité a charrié de faits divers en rapport avec l’islamisme, ses trouvailles et ses embuscades. Avec le temps qui sait aggraver les maux qui n’ont pas été traités à leur début et la lassitude qui démobilise tant les braves gens, la question du voile a été noyée dans des questions extrêmes, soulevées comme dans un ouragan par la progression vertigineuse de l’islam dans la France laïque et le déferlement de migrants sur ses terres, conséquence des guerres et des crises qui ravagent plusieurs pays musulmans sinon tous (Syrie, Irak, Yémen, Liban, Afghanistan, Libye, Mali, Somalie, Algérie, Tunisie, Tchad…), mais pas seulement : la France a aussi mis du sien pour se mettre elle-même dans cet état de mort imminente, par bravade, par impuissance assumée, par timidité, avec l’idée peut-être qu’une fois arrivée au fond de la tombe elle saura donner un bon coup de talon et remonter plus forte, plus belle. Oui mais quel talon, le gauche ou le droit ? Quand on ne distingue pas la cause de la finalité d’une chose, on s’offre au premier guide venu. On pourrait suivre les célèbres Inconnus et dire à la France : « C’est ton destin. »
Avec Macron, champion incontesté du et en même temps et de la mondialisation heureuse, la question du voile a tout simplement disparu des radars mainstream. Pour lui, le voile est une autre façon d’être heureux et de vivre comme un poisson dans l’océan. La question n’avait plus de raison d’être à la « une », le voile s’était banalisé dans les territoires au-delà du périph et gagnait tranquillement les quartiers huppés du centre, puis les services publics, les universités, les institutions, qui, dit-on mais c’est à vérifier, préféraient regarder ailleurs, de peur de blesser les nonnes inspirées en chemin vers la béatification ou de braquer d’éventuelles apprenties kamikazes. Rien en ces trente dernières années, à vrai dire peu glorieuses, n’a dans ce pays poussé plus vite, plus haut, plus fort que le voile porté pourtant par de frêles jeunes filles inconscientes du drame qui les accompagne. Il est un made in France qui ne doit rien à son ancêtre, le voile d’importation, lequel n’a plus cours en France,…..