Le parquet demande un procès aux assises pour Tariq Ramadan, accusé de viols contre quatre femmes – L’islamologue suisse avait d’abord nié avoir eu des relations extraconjugales avant de finir par déclarer, face aux preuves, qu’il s’agissait des « relations de domination (…) consenties ».
L’affaire, emblématique du mouvement #metoo en France, avait apporté fin 2017 un autre éclairage sur Tariq Ramadan, alors connu comme une figure de l’islam européen. Mardi 12 juillet, le parquet de Paris a requis un procès aux assises pour l’islamologue suisse, pour « viol » à l’égard de trois plaignantes et pour « viol sur personne vulnérable à l’égard d’une [quatrième] plaignante ».
« Malgré les dénégations répétées du mis en examen, l’information judiciaire a permis de réunir de nombreux éléments à charge contre Tariq Ramadan », souligne le parquet dans ses réquisitions. M. Ramadan, 59 ans, avait d’abord nié avoir eu des relations sexuelles extraconjugales avant de finir par déclarer, face aux preuves, qu’il s’agissait des « relations de domination (…) consenties » avec les plaignantes.
« Il résulte des déclarations de l’ensemble des plaignantes que consentir à une relation sexuelle ne signifie pas consentir à être maltraitée, frappée, sodomisée au point d’en être réduit à un objet dénué de tout consentement », ajoute le parquet dans ses réquisitions. Ce « n’est pas un blanc-seing qui autorise une fois pour toutes le partenaire à dicter sa loi », insistent les deux parquetières.
Décision finale par les juges d’instruction
L’affaire avait été déclenchée fin octobre 2017 par les plaintes d’Henda Ayari, une ex-salafiste devenue militante laïque, et « Christelle », qui dénonçaient respectivement un viol en 2012 à Paris et en 2009 à Lyon. Entre février 2018 et octobre 2020, M. Ramadan avait été successivement mis en examen pour viols contre ces deux premières plaignantes et trois autres victimes potentielles. Il avait été incarcéré dix mois.
Deux de ces dernières victimes avaient été identifiées par la police sur des photos et des messages retrouvés dans son ordinateur. L’une d’entre elles avait évoqué lors d’une audition en 2019 une relation physique « consentie » mais un « viol moral ». Elle avait toutefois écrit fin juin 2021 au parquet de Paris pour retirer sa plainte. La troisième, l’ex-escort girl Mounia Rabbouj, l’avait accusé de neuf viols commis entre 2013 et 2014.
Les faits dénoncés par quatre de ces femmes – Henda Ayari, « Christelle », Mounia Rabbouj et l’une des deux femmes identifiées sur photos – feront l’objet d’un procès aux assises dans le cas où les deux juges d’instruction chargées de cette affaire suivent la réquisition du parquet.
Le parquet rejette l’idée d’un complot contre Tariq Ramadan
La défense compte en outre insister en cas de procès sur des messages ou photos suggérant l’adhésion de plusieurs des plaignantes aux relations telles qu’elles se déroulaient. Le parquet a justifié ses réquisitions par une notion qui a rythmé ce dossier : les victimes « se trouvaient toutes sous emprise » de Tariq Ramadan « au regard de l’admiration voire de la vénération qu’[il] exerçait sur elles ».
Les avocats de M. Ramadan rejettent cette « emprise » et estiment que les plaintes sont le fruit de « déceptions sentimentales ou sexuelles », voire d’un complot politique, dénoncé par leur client. « L’information judiciaire n’a pas permis d’établir la réalité d’un complot tel que dénoncé par Tariq Ramadan mais plutôt une prise de conscience commune ayant permis à certaines d’avoir le courage de dénoncer les faits dont elles ont été victimes », note le parquet dans ses réquisitions.
Trois des conseils de l’islamologue, Philippe Ohayon, Ouadie Elhamamouchi et Nabila Asmane, ont au contraire évoqué un « coup de poker maladroit » du parquet. « Mais personne n’est dupe. Nous avons prouvé de multiples mensonges et contradictions chez les plaignantes. Jamais le dossier n’a été aussi fragile », ont-ils jugé.
Ces réquisitions sont « une évidente satisfaction, une grande et essentielle avancée et surtout un soulagement d’être crues par la justice », a réagi pour sa part Eric Morain, avocat de « Christelle » et de Mounia Rabbouj. « Après cinq années très éprouvantes, Mme Ayari attend à présent sereinement la décision des juges d’instruction », selon ses avocats, Nathanaël Majster, Jonas Haddad, Grégoire Leclerc et Jérémy Kalfon. « Il nous paraît décisif qu’un jury populaire se prononce sur le comportement de M. Tariq Ramadan », ont-ils ajouté. D’ordinaire prolixe sur les réseaux sociaux, Tariq Ramadan n’avait pas réagi mardi en fin d’après-midi.